Evènements survenus le Lundi 21 août 1944.
En cette matinée du 21 août les " Mongols " cantonnés à l'Arsenal refusent toujours de se rendre. Ils y sont bloqués par les maquisards, renforcés des éléments du " Groupe Fer Vény " de la gare de Castres. Vers 11 heures, le Capitaine Maertz, que l'on avait fait venir pour parlementer, parvient enfin à les convaincre de déposer les armes. C'est fini. Toutes les troupes ennemies occupant la ville se sont rendues. Les F.F.I. rentrent en ville.
Le C.F.L. 10 de Vabre.
Les deux sections du CFL 10 qui ont passé la nuit à Tournemire se mettent en route à 6 h 15 et arrivent à 7 h 15 près de la clinique Lonjon aux filtres. Le poste de garde Allemand qui se trouvait là est désarmé. Les deux sections restent sur cette position. A 9 h 30 sont mise en batterie deux mitrailleuses appartenant à la section " Campsoleil ". Leur mission est d'une part la surveillance et la garde du parc des sports du C.O. où rentrent les premiers prisonniers allemands désarmés et d'autre part de couvrir l'entrée de la caserne Fayolle. " Un vieux mur d'aqueduc s'offrit à nous, là nous avions vue jusqu'aux portes de la caserne. L'ordre de mission : tirer sur l'occupant qui en sortirait, si l'ordre était donné…Je n'ai plus la notion du temps qu'on a attendu le doigt sur la gachette… Au cours de la matinée l'ordre nous fut transmis, les Allemands s'étaient rendus…Je regagnais sur ordre le C.O. pour monter la garde durant le transfert des prisonniers " . A 10 h 10 le reste de la section rentre, en camion, dans Castres en empruntant l'avenue du Sidobre, la rue Villegoudou et l'Hôtel de Ville. L'enthousiasme de la population est immense. Les maquisards vont de suite assurer la garde de l'Hôtel de France, du Grand Hôtel, de la Régie, de la Poste etc… Quelques petits incidents émaillent cette matinée. Ainsi lors du désarmement des soldats cantonnés au Grand Hôtel, la culasse d'un fusil allemand coincée s'est décoincée brusquement et le coup est parti devant la figure d'un maquisard qui à eu la cornée de l'œil droit brûlée. Ensuite, vers 11 heures quelques coups de feu sont échangés entre des soldats allemands au Grand Hôtel et des inconnus stationnés sur la rive opposée de l'Agoût. Il s'agit plus tôt d'accidents que d'incidents. Dans l'après midi la section est rassemblé au voisinage des positions de mitrailleuse et en début de soirée c'est le départ vers Labastide Rouairoux.
Le groupe Magne.
Les éléments du groupe Magne, quittent l'emplacement où ils ont passés la nuit, près de Puech Auriol, et en camion font mouvement vers Castres. Raoul Carbonne dans son journal de marche fait le récit de cette arrivée en ville : " Tous les gars du peloton sont debout. Nous faisons un brin de toilette sèche (nous n'avons pas d'eau), nous corrigeons notre tenue vestimentaire, nous devons entrer dans Castres, peut-être même libérer la ville… nous apercevons que beaucoup de véhicules sont venus grossir notre petit convoi. Il y a beaucoup de gazos, grands ou moyens, des voitures légères, des motos… De Puech Auriol à Castres, il y a environ cinq ou six kilomètres et, en roulant à 10 kilomètres à l'heure, avec de nombreux arrêts pour inspecter des hangars abandonnés, des fermes isolées et paraissant inoccupées, nous arrivons aux premières maisons de Castres vers 10 heures. C'est alors que notre belle assurance va mollir quelque peu. Et pourquoi S.V.P. ? Parce que nous allons nous trouver coincés entre deux rangées de maisons et nous n'avons aucune formation pour les combats de rue. La troupe met pied à terre, se rabat contre les murs, scrutant les fenêtres, les portes, les encoignures, essayant de surprendre les bruits ou les mouvements insolites. Nous avançons avec précaution, nous attendant à recevoir des rafales d'armes automatiques. (Nous ne savons pas que les Allemands se sont rendus). Chose curieuse, les gens descendent peu à peu dans les rues, se groupent dans les avenues et sur les places. Tous les éléments sont réunis pour nous offrir une grandiose et mémorable réception. Arrivant par la route d'Albi, nous nous engageons dans la rue Strasbourg, le pont Miredames, le boulevard Carnot, la place Carnot, la place Soult et nous entrons dans le quartier Drouot. Je ne trouve pas de mots assez expressifs et vrais pour qualifier la joie, l'allégresse, le délire de cette population, si heureuse de nous accueillir et se voir enfin libre ! A peine sommes nous arrivés à Drouot, que Fédou reçoit un message stipulant qu'il doit envoyer dare-dare le chef Hérail et son groupe au château de la famille Desplats, pour en assurer la reconnaissance et la protection, car le P.C. de l'escadron va être installé là. (Ce château se trouvait avenue du Sidobre). Avec les faibles moyens de son peloton, Fédou doit assurer la surveillance de tous les carrefours importants, à l'entrée de la ville, afin d'empêcher des éléments ennemis d'intervenir. Les trois autres pelotons sont mis en réserve, prêts à intervenir si nécessaire. A 14 heures un jobard se met à courir dans les rues en criant que les Fritz reviennent dans Castres. Pendant une heure le désordre est complet dans la ville qui se vide de sa population. Heureusement le jobard est intercepté par des agents de ville, maîtrisé et conduit à l'hôpital, car il a un comportement de vrai caniclot. Le reste de l'après-midi connaîtra un calme parfait… "
Le Corps Franc Bayard.
De leur côté le groupe Antonin, le Maquis Coudert, le Corps Franc Bayard et le commando Américain, regroupés au Siala, pénètrent dans Castres par l'avenue de Saint-Pons.
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Longeant le Mail ils empruntent la rue Villegoudou pour arriver à la mairie et occuper la Kommandantur au Grand Hôtel. " Le Capitaine Maertz, adjoint au Colonel allemand commandant d'armes de Castres et principal instigateur de la reddition de la garnison, vient à la rencontre du Commandant Antonin et, sans respect humain, lui tend la main, s'excusant d'offrir la main gauche, sa main droite étant légèrement blessée. Au milieu d'une population enthousiaste, le détachement se porte à l'Hôtel de ville, dans la cour duquel les véhicules sont parqués. Des éléments sont aussitôt fournis pour la garde de la poste, du Grand Hôtel où sont groupés les officiers allemands de la garnison et au parc d'artillerie, tandis que, par roulement, les hommes sont conduits à Péraudel, pour y être habillés avec des uniformes écussonnés 3ème Dragons… A 11 heures, le Commandant " Antonin " est envoyé au Parc où sont rassemblés les Georgiens, qui opposent quelques difficultés à leur désarmement. Il est accompagné du Capitaine Maertz. Le calme renaît très vite parmi les récalcitrants ". Les casernes doivent être immédiatement occupées, car sitôt les occupants partis, une foule avide commençe à piller la caserne Drouot. Il fallut vite y mettre bon ordre. Edgard Fuch précise que ce sont surtout des femmes qui se livrent à ce pillage. Il les a vu tout lancer par les fenêtres. " …(dans) la caserne Drouot, qui vient de cesser d'être la " Moltke-Kaserne " et que la populace pille quelques rafales de mitraillettes tirées en l'air dispersent les amateurs de cigarettes " Sultan' et " Sondermischung… "
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" Parcage " des prisonniers.
La troupe Allemande en colonne par 5 est conduite au terrain du Castres Olympique où l'on parque les Mongols, avant de les transférer au bout de trois jours au camp de la Vieille. Un jeune témoin, à l'époque, nous a raconté qu'il se souvient les avoir vu passer dans la rue Jean Huc, un officier à cheval ouvrant la marche et les hommes suivant à pied, tout content et distribuant des bonbons aux personnes qui les regardaient passer. Ils longèrent ainsi le champ de manœuvre pour, aux filtres, redescendre sur le terrain du C.O.
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Prisonniers conduits au terrain du C.O. |
Prisonniers sur le terrain du C.O. |
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Soldats allemands prisonniers sur le terrain de sport de Péraudel |
Ce trajet leur évitait la traversée de la ville. Jean Marie Domenach écrit au sujet des Mongols : " on les enferma dans l'hippodrome (il veut dire le terrain du C.O.) avec deux chameaux venus de Tartarie… ". Tous ces prisonniers furent gardés pendant trois jours, non sans difficulté, par seulement six gardiens. L'un d'eux, Guy Gaultier, indique qu'ils n'étaient pas rassuré du tout, faisant référence à la différence de gabarit et au nombre : " A côté d'eux nous ne pesions pas lourd, d'autant que la fouille avait été rapide vu leur nombre et qu'ils se sont installés sur le terrain de rugby avec leurs bagages et tentes etaussi quelques grenades que nous avons pu récupérer sans trop de casse ". Les soldats de nationalité Allemande, en plus petit nombre, sont rassemblés sur le terrain de Péraudel, petit terrain de sport qui se trouvait à l'angle de la rue Commandant Wauthiers, en face de l'usine Maraval. Maintenant tout cet espace est construit. Les officiers quant à eux furent, dans un premier temps, rassemblés au Grand Hôtel dans la rue Thiers puis conduits à Vabre par le petit train, qu'ils prirent à la gare de l'Albinque. Les officiers supérieurs furent logés dans l'hôtel Biau, les autres internés dans l'école et placés sous la surveillance des maquisards, renforcés pour la circonstance de quelques civils. Quelques uns furent suivis de leurs ordonnances. Le personnel féminin que l'armée Allemande utilisait à Castres fut également transféré à Vabre où il logea dans une maison vide appartenant à l'Admiral Fuzier. Elles y restèrent jusqu'au 10 septembre. . C'est François Harlant, du CFL 10, qui fut chargé d'accompagner le déplacement des officiers. " Le lendemain de la reddition de la garnison allemande de Castres, le commandant Dunoyer de Segonzac m'a appelé pour me confier la tâche de transférer à Vabre pour les y installer les officiers allemands prisonniers. Le petit train était prévu comme moyen de transport et des gendarmes devaient encadrer les prisonniers. Le départ était prévu pour 13 heures. Lorsque je me suis rendu devant la gare de Castres, le train était prêt et les officiers et leurs ordonnances étaient alignés devant les wagons. Seuls les gendarmes n'étaient pas au rendez-vous. Le commandant allemand avait remarqué mon embarras et a immédiatement donné des ordres pour faire monter ses hommes dans les wagons… " Les archives du maquis de Vabre renferment la liste des officiers, divisée en deux, Allemands et Georgiens. Elle nous permet de connaître leurs noms ainsi que celui de leurs ordonnances qui y figure de même que ceux du personnel féminin. Dans la liste des officiers Allemands ne figurent ni le nom du Colonel Machts ni celui du Capitaine Maertz. Par contre le Colonel Machts apparaît dans la liste des officiers internés le 26 août au camp de St Sulpice, ils sont au nombre de 36. Le Capitaine Maertz n'y figure toujours pas. Les officiers ne restèrent donc que quelques jours à Vabre avant d'être placés dans d'autres lieux. Le Colonel Machts fut par la suite interné à Andernos d'où il écrira une lettre au préfet pour lui demander un emploi dans une usine de Castres : Monsieur le préfet. Ayant été 8 mois à Castres, je suis en droit de supposer que vous vous souvenez de moi et je ma (sic) permet de vous demander ce qui suit : les officiers P.G. ont maintenant la permission de travailler eux aussi, et je vous prie de vous mettre en relation avec des fabricants, grossistes etc. de Castres pour me faire réquisitionner par le ministère du travail français. Je suis prêt à faire n'importe quel travail. Je suis sûr que vous ne m'en voudrez pas de ma demande en vous rappelant que Autrichien, j'ai toujours agi en ami des français et me (sic) j'ai préservé votre ville et population de beaucoup de malheurs et de dommages. Aussi puis j'espérer que Castres m'aidera à trouver du travail. Je me permet de vous demander M. le Préfet de me répondre avant longtemps et de vouloir bien m'envoyer par exprès un colis contenant quelques vivres et de tabac ou cigarettes. Je vous remercie d'avance de tout mon cœur ce que vous ferez pour moi. Veuillez agréer, Monsieur le préfet l'expression de ma haute considération. Machts Colonel P.G. N° 503002. Dépôt 181 Andernos (Gironde). Nous ne connaissons pas la réponse du préfet à cette lettre et par conséquent nous ne savons pas, si dans un élan de générosité, il lui à fait parvenir quelques vivres. Ce qui est sur c'est qu'il n'est jamais revenu travailler à Castres et d'après les dires du Capitaine Lamon, il fit partie du premier convoi d'officiers libérés. Il est allé se retirer en Autriche, son pays d'origine. Cette lettre fait toutefois ressortir la dureté des conditions de détention, le camp ne possède pas le confort des salons du Grand Hôtel, et l'ordinaire est bien loin des repas servis à la kommandantur. Toutefois ses propos nous laissent penser qu'il a conscience que son comportement, lors des huit mois passés à Castres, n'a pas été celui d'un oppresseur barbare et sanguinaire. S'il pensait avoir laissé un très mauvais souvenir, du fait de quelques actions d'une implacable rigueur, il n'aurait sans doute pas manifesté son intention de venir travailler dans une ville où la vindicte populaire aurait pu attenter à sa vie. En ce qui concerne le Capitaine Maertz, le Capitaine Lamon, toujours dans la lettre adressée à Guy de Rouville, nous fournit quelques renseignements. Il indique qu'à son retour d'Allemagne en juillet 1946, il retrouve à Toulouse, où il venait d'être affecté comme chef du 4ème Bureau de la Subdivision, le Capitaine Maertz et quelques autres officiers Allemands qu'il avait fait prisonniers à Castres. Ils étaient en attente de jugement comme criminels de guerre. Le Capitaine Maertz lui dit que " des comités et des résistants qui s'arrogeaient soit le mérite de la libération soit la gloire de sa capture, l'avaient traîné…tantôt dans des salons où il était choyé, tantôt jeté sur la paille humide des cachots ". Si le Colonel Machts n'avait pas laissé une mauvaise impression à Castres il n'en allait pas de même pour le Capitaine Maertz. Le Maquis de Vabre avait mis sa tête à prix en raison de son attitude envers des maquisards qu'il aurait ou qu'il fit assassiner. A ce sujet, une note du Service de Renseignement en date du 29/6/44 indique : Objet : Activité d'un officier Allemand. Source : Sure, SR Tarn Le Capitaine Maertz, adjoint au Lt. Colonel Machts, Feld Kommandant de Castres, s 'habille fréquemment en civil et tente d'entrer en rapports avec des résistants sous de fallacieux prétextes, se disant notamment Anglais (il parle très bien cette langue). Le Capitaine Maertz est grand (environ 1m75, blond) ne porte pas de moustache, a des yeux gris=marron ; il est en général habillé d'un costume beige et coiffé d'un chapeau marron baissé devant et relevé derrière. Le 23 juin, vers 22 heures, il a tué alors qu'il était en tenue d'officier (place de l'Albinque) un individu encore inconnu qui n'avait pas répondu à son appel. (7/10) Pourtant, le Capitaine Lamon ne reste pas insensible à leur condition de détention et fait en sorte d'améliorer leur sort. En particulier celui du Capitaine Maertz, ce qu'il considère comme un devoir, car, lors de la reddition des troupes à Castres, ce dernier a eu un comportement loyal et c'est toujours conformé aux engagements, qu'avec le Colonel Machts, ils avaient pris. Le Capitaine Lamon voulait lui montrer à son tour que les officiers français étaient eux aussi respectueux de leur parole. Et c'est ainsi que lors d'un premier procès à Bordeaux il témoigne en sa faveur puis à un second à Paris où une pétition en sa faveur à été remise à la Commission des Grâces. Cette pétition " porte des noms d'industriels de Mazamet et de Castres, de notaires, d'officiers d'active, de réserve et F.F.I., de médaillés de la Résistance, chacun ajoutant un mot particulier au texte commun… " Le Capitaine Maertz sera libéré peu après.